2. L'âne : présentation générale

  2.1. Origines préhistorique et historique de l'âne

  2.2. Les différentes races d'ânes

  2.3. Caractéristiques morphologiques de l'âne

  2.4. Les utilisations de l'âne et de ses produits

  2.5. L'âne dans le monde : localisation et effectifs

  2.6. L'âne en France : du déclin au renouveau

  EN RESUME



Rappel de la classification :
 Embranchement:  Vertébrés
 Classe:  Mammifères
 Famille:  Equidés
 Super-ordre:  Ongulés
 Ordre:  Périssodactyles
 Genre :  Equus
 Espèce :  asinus
2.1. Origines préhistorique et historique de l'âne
C'est au Pléistocène (il y a environ un million d'années) qu'apparurent les premiers équidés. Les données morphologiques, alliées à des éléments de caryologie, permettent d'assurer qu'il existe à l'heure actuelle trois rameaux principaux représentés par les chevaux, les ânes et les zèbres, dérivés successivement de l'Equus du Quaternaire (LANGLOIS, 1973).

Quoique les vestiges de l'existence du cheval et de certains asiniens à l'époque préhistorique soient assez nombreux, l'utilisation de ces animaux fut plus tardive et leur hybridation est certainement postérieure au néolithique ou période de la pierre taillée.

La domestication de l'âne est, selon les auteurs, antérieure ou postérieure à celle du cheval. La question est difficile à résoudre. Il serait plus exact de dire qu'il n'a pas été primitivement utilisé dans la même aire géographique que le cheval. Il existait en Grèce, au temps d'HOMERE (Iliade, Liv XI). HEREDOTE dit que, dans l'armée de XERXES, " les Indiens se servaient tant de chevaux de selle que de chars attelés de chevaux et d'ânes sauvages ". L'âne est figuré sur les plus anciens monuments d'Egypte et il fait partie des objets que le pharaon donne à Abraham. Ainsi, PIETREMENT écrit en 1870 : " les enseignements de l'histoire ne laissent aucun doute sur les lieux de la première domestication de l'âne ; ce sont les chaudes contrées aux environs de la mer rouge et des rivages du Sud-Est de la Méditerranée ".

LINNE et CHARDIN placent en Arabie le berceau de la race asine. De là, elle serait descendue en Egypte, puis en Grèce, de Grèce en Italie et de l'Italie en Gaule. Les ânes se sont vite répandus dans le sud de l'Europe, surtout dans les pays méditerranéens en raison de leur résistance et de leur sobriété. Ce ne serait que plus tard qu'ils auraient été conduits dans la partie septentrionale de l'Europe.

Ainsi dispersé sous différents climats, puis soumis à la domestication au cours du quatrième millénaire avant Jésus Christ, l'âne, par une ségrégation intra-spécifique est à l'origine des races variées que l'on retrouve aujourd'hui (AUDIOT, 1977).


2.2. Les différentes races d'ânes
Bien que l'on connaisse de façon à peu près certaine l'origine des ânes domestiques, la famille asine est mal connue dans son ensemble. Des études récentes ont permis d'établir cette généalogie.

  2.2.1. Les ânes sauvages

L'âne sauvage africain

Ces ânes sont essentiellement localisés dans les zones arides de la Corne de l'Afrique. On distingue en général deux sous-espèces : le nubien et le somalien.

   - L'âne de Nubie (Equus asinus nubicus)

Il mesure en moyenne 1,25 m au garrot. Il a une robe grise, virant légèrement au roux en été et porte une bande cruciale (ou croix dite de St André) foncée sur l'épaule ; le museau, le ventre et la face interne des membres sont blancs. Son poids varie de 200 à 240 kg. Cet âne serait à l'origine de nos ânes domestiques.
Cette race chassée pour la nourriture mais aussi à des fins thérapeutiques est aujourd'hui en voie de disparition : il ne resterait plus que 1 500 à 3 000 têtes en Ethiopie et au Soudan, pays où la guerre et le braconnage causent de graves dégâts à la faune indigène.


   - L'âne de Somalie (Equus asinus somaliensis)

Sa robe est grise, mais tire vers le gris-souris. Il mesure de 1,15 à 1,30 m au garrot et présente des zébrures foncées et abondantes aux jambes. Il se remarque aussi à sa crinière noire et par l'absence de raie dorsale et de bande cruciale.
Il est chassé pour la viande et certains sous-produits sont inscrits à la pharmacopée.
Il ne restait en 1992 qu'une centaine d'animaux dans la nature et environ 70 ânes en Somalie en captivité. Cet effectif étant trop restreint pour envisager la survie de l'espèce, ces ânes sont malheureusement voués à disparaître.


L'âne sauvage asiatique

Il est plus généralement appelé " hémione ". Ce nom est issu du grec ancien (hêmonios) et signifie " demi-âne ". Son origine est discutée, mais, aujourd'hui, il est plus apparenté aux ânes qu'aux chevaux.
Son territoire s'étendrait sur la plus grande partie des steppes depuis la mer Noire jusqu'à la côte pacifique et depuis l'Anatolie jusqu'au nord de l'Inde. Les grandes variations de climat, de terrain et d'altitude ont obligé ces équins à s'adapter à des conditions très diverses. Les spécialistes distinguent, en effet, sur cette large aire d'extension au moins 8 sous espèces. Nous pouvons citer comme exemple le Kiang, adapté aux conditions extrêmes des hauts plateaux du nord de l'Himalaya ou bien l'Onagre, connu pour sa vélocité.
Au siècle dernier, l'effectif probable de l'ensemble de ces hémiones sauvages était d'une centaine de millions de têtes. La multiplication des armes à feu, l'extension de l'élevage avec l'occupation des rares points d'eau et la diminution des pâturages disponibles ont conduit à leur déclin rapide dès la fin du XIXème siècle. Il n'existe, aujourd'hui, plus que 10 000 têtes environ.



  2.2.2. Les ânes domestiques
SANSON, dans la seconde moitié du XIXème siècle, regroupe les races d'ânes domestiques en ce que nous appellerions aujourd'hui deux " races primaires " (DEVIS, 1995).

   - la race d'Afrique, peut-être originaire d'Egypte, qui s'est répandue dans le monde entier du fait de son aptitude au travail. Elle toise 1 m à 1,30 m, se présente, le plus souvent, sous robe gris souris à bande cruciale, mais d'autres couleurs existent (notamment le blanc). S'y rattachent, pour SANSON, la race égyptienne souvent blanchâtre, restée dans son pays d'origine, et la race commune, qui a subi " toutes les dégradations possibles, sous l'influence de conditions d'existence moins bonnes ",

   - la race d'Europe, qui est fondamentalement la race des zones méridionales de l'Europe. Elle toise au minimum 1,30 m et fait souvent beaucoup plus. La robe est habituellement brun foncé avec quelques zones blanchâtres. Les ânes d'Europe sont, principalement, exploités pour la production des mulets. La race fournit, en outre, des moteurs et des ânesses pour la production de lait. SANSON ne range que trois races dans ce groupe : la race commune qui comprend tous les animaux ne faisant pas l'objet de soins particuliers et qui se sont, parfois, plus ou moins mélangés avec la race commune africaine ; la race de la Gascogne, de la Catalogne et de l'Italie ; la race Poitevine.

Les ânes français appartiennent à cette dernière catégorie. Il existe, à ce jour, en France, six races d'ânes officiellement reconnues par l'administration des Haras Nationaux : l'âne du Poitou qui jusqu'en 1994 était la seule race reconnue, l'âne de Berry, l'âne gris de Provence, l'âne des Pyrénées, le Cotentin et le Normand. Il existe, cependant, d'autres races en cours de reconnaissance comme l'âne du Bourbonnais, l'âne du Perche et nombreux autres ânes communs.

2.3. Caractéristiques morphologiques de l'âne
(d'après RAVENEAU et DAVEZE, 1996)


2.4. Les utilisations de l'âne et de ses produits
(d'après CHAPPEZ, 2000)
L'âne est fondamentalement un outil de travail indispensable dans les exploitations agricoles, mais surtout utilisé par les pauvres gens en raison de son faible coût d'entretien et de sa polyvalence.

Le transport des personnes et des biens

L'âne est parfois utilisé pour le transport de personnes. Cependant, son garrot bas, ses épaules et son épine dorsale saillante le rendent désagréable pour la selle. De plus, le rachis de l'âne comporte une vertèbre lombaire en moins que celui du cheval, se traduisant par une moins grande souplesse dorsale. Il rend l'âne inconfortable au trot, mais augmente sa force et améliore ses qualités de porteur. Ainsi, l'âne est un animal dont la constitution se prête bien au port d'un bât. C'est pourquoi il a été, depuis toujours, utilisé comme moyen de transport de marchandises. Il est particulièrement apprécié en zone de montagne, car il marche avec assurance sur les chemins pierreux escarpés.


Compagnon de labeur de l'homme

Depuis l'Antiquité, l'âne a été le compagnon de labeur de l'homme, tirant la charrue pour labourer la terre avant les semailles, dépiquant le blé ou l'orge après la moisson, tournant des journées entières sur l'aire pour séparer les graines des tiges…
En France, l'âne a participé aux labours jusqu'aux premières décennies de notre siècle.


Les ânes et l'armée

De tous temps, l'armée a employé ânes et mulets d'abord en raison de la sûreté de leurs pieds sur les sentiers escarpés des montagnes, mais également en raison de leur capacité à porter de lourdes charges.


Au travail pour la distraction des hommes


   - Les promenades à dos d'ânes pour enfants

Jadis, dans les jardins publics de Paris et des grandes villes de Province, les enfants avaient la possibilité de goûter aux joies de la campagne en faisant une ballade avec les ânes, dans une voiture ou en selle.


   - Les courses d'ânes

Les premières courses d'ânes semblent avoir été organisées au siècle dernier en Vendée. Les ânes participant aux courses étaient soit montés directement soit attelés. Ces courses se sont, peu à peu, développées pour le divertissement des touristes dans les stations balnéaires ou en banlieue parisienne.


   - L'âne, animal de cirque

Jadis, les numéros réalisés au cirque avec des ânes étaient plus nombreux que ceux exécutés avec le cheval. Compagnons des clowns, les ânes étaient là pour faire rire le public.


   - L'âne, animal de compagnie

Aujourd'hui, dans les pays industrialisés, l'âne est devenu un animal de compagnie au même titre que le chien et le chat.


Les produits de l'âne


   - Le lait d'ânesse

L'ânesse donne environ 3 à 6 L de lait par jour. Son lait est celui dont la composition se rapproche le plus du lait de la femme.

 
en g/L
 
Lait d'ânesse
 
Lait de femme
 
Lait de vache
 
Lait de chêvre
 
Lait de jument
 Eau  
896,3
 
873,8
 
876
 
873
 
923
 Matières grasses  
15
 
38
 
32
 
44
 
6
 Matières protéiques  
21,5
 
16,4
 
42
 
48,5
 
19
 Glucides  
64
 
70
 
43
 
31
 
48
 Minéraux  
3,2
 
1,8
 
7
 
3,5
 
4

Le lait d'ânesse est très nutritif car il contient plus de lactose et moins de matières grasses que le lait de vache. Il a été utilisé pour l'alimentation des enfants mais, en raison de son prix élevé, il a tout de même été remplacé par le lait de vache stérilisé. On lui reconnaît également des vertus médicinales (contre la tuberculose, les empoisonnements…) et cosmétiques (ie les bains de lait d'ânesse de CLEOPATRE et de Pauline BONAPARTE). Le lait d'ânesse est de conservation difficile car il fermente assez rapidement au contact de l'air.


   - Le fumier

L'âne produit un fumier utilisé comme engrais pour l'amendement des sols cultivés. Il est particulièrement avantageux dans les terres froides et humides. Les anciens l'incorporaient dans des médicaments destinés au traitement de toutes sortes de maux. Ils attribuaient également des vertus médicinales au sang, à l'urine etc. Mais celles-ci ne sont pas confirmées.


   - La peau, les os et la chair

La peau de l'âne, très fine, très solide, dure et élastique, servait une fois tannée, à fabriquer tambours, cribles, souliers… ainsi qu'à la fabrication d'épais parchemins. Avec les os, les hommes fabriquaient des instruments de musique. La chair des ânes a été diversement appréciée suivant les époques et les contrées. Ainsi, dans la Bible, il est dit que la viande de l'âne ne doit pas être consommée, car elle est considérée comme impure. En revanche, les Grecs et les Romains consommaient la viande de l'âne. En France, elle servait à confectionner des saucissons. On débitait toujours de la viande d'âne en Provence avant la dernière guerre mondiale. Sur la face, les muscles des ânes sont plus épais et plus rouges que chez le cheval. Certains reconnaissent à cette viande une qualité supérieure à celle du cheval, alors que d'autres la trouvent plus dure et plus insipide et la considèrent comme inconsommable au vu de sa qualité sanitaire.


PRESSAT, en 1837, s'étonnait que, avec toutes ses qualités, l'âne soit si peu prisé. Il le mettait sur le compte des reproches qui lui sont faits d'être lent, paresseux et entêté, mais ajoutait que cette mauvaise réputation venait sans doute de " ce préjugé funeste que plus il est chargé, plus il est battu, mieux il va (…) c'est pour avoir été trop forcé, trop battu (…) qu'il se montre revêche, paresseux et têtu ".



2.5. L'âne dans le monde : localisation et effectifs
Le tableau 2 ci-dessous présente l'évolution de la population asine entre 1965 et 1999 dans les différents continents.

   
1965
 
1970
 
1975
 
1980
 
1985
 
1990
 
1995
 
1999
 
Afrique
 
10 700
 
10 960
 
11 090
 
11 500
 
11 800
 
13 700
 
14 900
 
15 000
 
Amérique du Nord
 
16
 
19
 
20
 
21
 
24
 
53
 
52
 
52
 
Amérique du Sud
 
3 300
 
3 700
 
4 200
 
4 000
 
4 000
 
4 020
 
5 060
 
4 070
 
Asie et Pacifique
 
16 100
 
17 600
 
18 100
 
17 300
 
19 800
 
21 000
 
20 900
 
19 900
 
Europe
 
2 200
 
1 700
 
1 500
 
1 300
 
1 150
 
1 000
 
840
 
750
 
MONDE
 
32 316
 
33 979
 
34 910
 
34 121
 
36 774
 
39 773
 
41 752
 
39 772


Les chiffres nous permettent de distinguer deux catégories de continents :
On retrouve ses tendances dans le graphique 2 ci-dessous. Les courbes de l'Amérique du nord et de l'Europe sont situées en bas du graphique.



La population asine, après avoir connu une augmentation relativement importante au début des années 80, tend aujourd'hui à se stabiliser. Cette forte progression suit celle des deux continents où les ânes sont les plus nombreux : l'Asie et l'Afrique. Les deux premiers pays, concernant les effectifs asins, sont la Chine, avec 11 millions d'ânes en 1995, et l'Ethiopie (environ 5 millions). Les effectifs d'Amérique du sud se montrent très stables alors que ceux d'Amérique du nord augmentent lentement et ceux d'Europe diminuent.

Pour expliquer ces variations, il faut mettre en parallèle les effectifs numériques d'un continent et le rôle que tient l'âne dans ces contrées.

Dans les pays en voie de développement (comme en Asie ou en Afrique), où la mécanisation reste encore faible, les ânes occupent des fonctions extrêmement importantes dans la vie de tous les jours. Ils sont, en général, utilisés pour le transport, montés, bâtés ou attelés. Ils vont chercher de l'eau ou du bois de chauffage ou bien amènent des produits au marché. Ils sont, également, employés pour de nombreux travaux dans les champs (labours, semailles…). Sobres, résistants et endurants, les ânes sont particulièrement appréciés dans ces régions.

Dans les pays développés, en revanche, les hommes ne ressentent plus la nécessité de travailler avec des ânes puisqu'ils possèdent une mécanisation performante et abordable. Tracteurs et autres engins motorisés ont vite remplacé les ânes, expliquant les faibles effectifs que l'on retrouve dans ces pays. S'il existe encore des ânes et que l'on observe même une légère augmentation des effectifs, c'est grâce au regain d'intérêt du public pour les ânes qui deviennent, aujourd'hui, des animaux de compagnie.






Le graphique 3 ci-dessus confirme l'inégale répartition des ânes dans le monde : seuls 2% des ânes sont localisés dans les pays industrialisés. Les autres se répartissent majoritairement entre l'Afrique et l'Asie.


2.5. L'âne en France : du déclin au renouveau
Dès le début du XXème siècle, on assiste à une régression générale des effectifs asins français : la modernisation de l'agriculture, sa mécanisation vont laisser les ânes sur le bord du chemin. Les chiffres officiels en témoignent :




Cependant, on assiste, depuis les années 90, à un retour en grâce de l'âne malgré le statut médiocre qui l'a accompagné tout au long des siècles. Il doit en grande partie son regain de popularité aux passionnés de randonnées. La première location d'ânes a été lancée en 1979 dans le Lot. Cette forme de loisir attire de plus en plus de gens (RAVENEAU et DAVEZE, 1996).
En outre, l'âne devient lentement l'animal de compagnie de la famille au même titre que le chat ou le chien. Il peut gagner sa pitance en servant de débroussailleuse écologique, entretenant et défrichant herbages et parcelles non cultivées. Il peut même servir de thérapeute auprès d'enfants handicapés (CHAPPEZ, 2000).

Mais, le baudet du Poitou se démarque des autres ânes. Il s'agit d'une race qui a toujours été très marginale du fait de sa morphologie et de son histoire. Son usage le caractérise : le baudet du Poitou est depuis toujours sélectionné pour la production de mules.





En résumé:

Les ânes appartiennent, comme les chevaux, à la famille des équidés. Cependant, du fait de leurs particularités morphologiques, les ânes domestiques sont plus aptes au bât et à la traction. Ils rendent encore de très nombreux services dans les pays où la motorisation n'est pas développée. Après une forte chute de la population asine dans les pays industrialisés au cours du XXème siècle, l'âne bénéficie d'un regain d'intérêt et devient un animal domestique au même titre que le chien ou le chat. 







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